"Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours."  


M. Ganhdi


( Février 2017 )

Je continue ce blog, car après tout, même si je ne vis pas l'aventure dont j'avais imaginé, j'en vis une autre.


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En prenant trois ans de congés sans solde, je rêvais d'un avenir proche avec les pieds dans l'eau, un paréo autour de la taille, un appareil photo dans les mains, et un chapeau de paille sur la tête. 


Et puis huit jours avant mon départ vers ma première destination  (Nouvelle-Calédonie) : changement de plan, un scénario imprévu. 

Le coup de téléphone que personne ne veut recevoir ! 


Déroutée au Costa Rica, une destination plutôt pas mal à la base, mais là je me retrouve à rester 17 jours dans un hôpital, au chevet de mon père.


Une fois de plus (flash back deux ans en arrière avec ma mère en Australie : embolie pulmonaire, arrêts cardiaques, coma), la vie me fait comprendre qu'il faut en profiter, y croire et que rien n'arrive par hasard. 


Raconter ce dont j'ai vécu durant ce séjour ne sera jamais assez fort, mais j'y tiens, au moins pour la morale : si chacun d'entre nous avait une telle générosité, nos difficultés ne seraient que du pipi de miaou. 


Installée sur mon siège, dans l'avion, une dame s'adresse à moi. Elle me demande si je voyage seule et si je suis d'accord pour changer de place. Elle souhaite faire le trajet à côté de son mari. Aucune importance pour moi, autant qu'ils soient ensemble, j'accepte. 


Nous laissons passer les gens dans le couloir de l'avion, en attendant nous papotons quelques minutes. Je réponds à sa question du pourquoi je voyage seule : 

" mes parents étaient en vacances, et trois jours avant leur retour en France, mon père a eu un accident en quad, il est tombé sur la tête, il a deux trauma crânien, la clavicule et les côtes cassées, les poumons perforés,... il est dans le coma."  


Sophie m'attrape le bras, je me retrouve avec un bracelet accroché à mon poignet. 

Que pasa ? "C'est moi qui l'ai fait, il te portera bonheur". 


Sophie me tend sa carte où sont inscrites ses coordonnées, me demande de la tenir informé de l'état de santé de mon père et de l'appeler en cas de problème. 

Je la remercie, mets sa carte dans mon sac et m'installe à ma nouvelle place. 


"Enchantée Anne-So/Kelly, toi aussi tu as échangé ta place ?" 

"Oui j'ai arrangé un couple qui voulait voyager à côté." 

"Ah eh bien moi aussi".


Nos 11h de vol commencent par ces quelques mots et une complicité s'installe au fur et à mesure de nos conversations. 

Anne-So me rassure et me dit de ne pas m'inquiéter pour le trajet de l'aéroport à l'hôpital, elle va m'aider. 

Ce n'est pas de refus, notre avion ayant 1h de retard, et à vrai dire je n'ai pas eu le temps de me renseigner sur quoi que ce soit niveau transport ou autre. 

Quel soulagement, un grand merci à Georges et Anne So ! 


Je retrouve ma mère, je lui fais un énorme bisou, et on file au service des soins intensifs où je vois mon papa couvert de tuyaux, en train de "dormir" paisiblement.


Ayant besoin de soutien sur place, pour discuter ou pour nous changer les idées, je poste quelques lignes sur le groupe facebook " les Français au Costa Rica."


Laurence me répond directement sur messenger, elle me propose de venir passer quelques jours chez elle pour me ressourcer. Heu ? Je ne m'attendais pas à ce genre de réponse, qui est d'une telle générosité ! 

Je décline l'invitation car je me dois de rester près de mon père et de soutenir ma mère.


Un matin, ma mère voit des retraits frauduleux sur son compte bancaire qui est désormais dans le négatif à quatre chiffres. 

Vite, opposition sur la carte bancaire !


De plus les dix nuits d'hôtel prises en charge par l'assurance arrivent à expiration. 

En mode SDF, c'est parti pour une opération commando à ramener les trois valises, de l'hôtel à l'hôpital. 


La famille est au complet dans cette chambre de 10 mètres carrés.

Il y a une banquette sur laquelle une seule personne peut "dormir".


Je repense à Laurence et à sa proposition. Ma mère insiste pour que j'aille m'aérer l'esprit, et qu'elle verrait plus tard pour elle. 


Me voilà partie à la rencontre de Laurence, une dame d'un autre monde. Je m'accorde alors une escapade de deux jours chez elle, dans la jungle.


Je ne saurais la remercier tellement elle m'a apporté ! 


Dans cette mésaventure, je vis une expérience hors du commun, un imprévu positif qui fait du bien et qui arrive à temps !  


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Je suis accueillie avec passion, par cette femme plus que charmante, dans sa maison en bois, au milieu des arbres. Faut dire qu'elle en prend tellement soin ! 


Accroché entre deux poutres, il y a ce hamac qui me porte et me transporte loin de ce quotidien hospitalier; je me repose quelques heures en écoutant le ruisseau murmurer et les cigales chanter.


De fil en aiguille, Laurence me fait connaître Viviane et Pierre, un couple avenant, rempli d'humour, où les soucis s'envolent en leur présence; et puis Élodie avec qui les confidences se font naturellement.


Je me retrouve entourée par ces personnalités complètement différentes les unes des autres, face à un coucher de soleil qui me fait me sentir libre. 

Mon esprit s'évade, la vie devient simple, je ne pense plus à rien.


Au matin, le petit déjeuner posé sur cette immense table, fait gargouiller mon ventre; des fruits fraîchement mixés, du pain grillé où coule le miel tout juste étalé, et du thé trop bouillant pour être avalé mais un régal quand il refroidit.


Je te regarde Laurence et je t'écoute me parler, peut-être que je fais semblant de t'écouter, parce que plus je te regarde et plus je me demande ce que j'ai fait pour me retrouver là, dans ton espace, dans l'endroit de mes rêves. Oui j'en suis gaga !


Ah c'est l'heure de partir, retour à l'hôpital. 1h de route top chrono. 


Pas plus d'évolution, nous sommes encore et toujours là, à attendre le rapatriement de mon père. 


Je me pose sur la banquette dans la chambre d'hôpital et je me demande ce que je viens de vivre.... Une parenthèse dans une parenthèse.... 


Les jours s'enchaînent et avec maman nous sommes confrontées à des évènements auxquels nous n'étions absolument pas préparées....


Nous devons attendre que mon père se réveille du coma, comprendre qu'il ne sait pas qui je suis, lui expliquer pendant plusieurs jours et à longueur de temps que je suis sa fille, lui parler de son accident en lui répétant constamment les mêmes choses, lui réapprendre le vocabulaire des objets les plus simples, le calmer quand il s'énerve, encaisser les mots durs qu'il emploie.... 


Une épreuve si épuisante, ceux qui ont vécu ce cauchemar connaissent la difficulté des journées qui se succèdent. 


C'est au tour de maman d'aller se ressourcer chez Laurence, elle en a biiiien besoin. Je ne me fais aucun souci pour elle, je sais qu'elle est entre de très bonnes mains.


Deux jours plus tard, maman revient, bien plus radieuse. 

Je comprends ce qu'elle a vécu dans cet endroit de paix. Quant à elle, elle comprend ce que j'ai vécu dans cet endroit déprimant et fatiguant, dans lequel elle vit depuis l'accident. 

Réveil toutes les heures pour le changement de médicaments, le bip bip de la machine branchée à mon père, son comportement excessif dû à l'hématome qui lui appuie sur une partie du cerveau, ce qui le rend d'autant plus agressif.


L'ascenseur émotionnel dans toute sa splendeur !


Besoin d'un vrai repas, nous nous retrouvons tous ensemble, la belle équipe que nous formons désormais avec Laurence, Viviane, Pierre, Élodie, maman et moi, autour d'une pizza. 


L'appétit s'est enfin remis en route mais il est temps des au-revoir qui ont du mal à s'arrêter et dont les remerciements débordent d'honnêteté. 


De retour à l'hôpital avec maman, posées sur la fameuse banquette, on patiente encore et toujours. 


L'État de santé de mon père n'est toujours pas compatible avec un retour en France à cause de son pneumothorax, la pression atmosphérique de l'avion = danger. Sa clavicule cassée risque également de lui perforer à nouveau le poumon ; une opération est prévue dans les jours à venir. 


Dans ce même temps, Anne-Sophie, prend des nouvelles de la situation par téléphone, me propose son aide et un hébergement éventuel.

J'accepte son invitation avec le plus grand plaisir.


Je fais la connaissance des enfants, j'arrive en pleine birthday' party, au milieu des rires, ça fait du bien.


Avec Anne-So, on papote comme deux vieilles copines. On se couche à pas d'heure. Le lendemain les enfants préparent le petit déjeuner, que de bonnes choses sur la table. 


Tant d'activités pour me faire oublier ces moments difficiles. Cette famille est dynamique, je ne vois pas le temps passer. 


Mon retour approche, ce soir décollage pour la France, seule.


Pourquoi pas organiser un dernier repas tous ensemble pour se dire une fois de plus au revoir et présenter Anne Sophie à la troupe ?


C'est dans un endroit typiquement costariciain, que nous partageons notre solidarité, et la joie de ces merveilleuses rencontres !


N'arrivant pas à m'enregistrer pour mon vol retour, je me renseigne. 

Mon billet d'avion est annulé et reporté à deux jours plus tard, pour partir en même temps que mes parents, tous ensemble ! YOUHOU


Viviane, Pierre et Laurence me reprennent sous leurs ailes. De retour dans la jungle !


Ça y est, départ pour la France, tout le monde est content. 


Papa est encadré par l'assistance médicalisée pour toute la durée du trajet avant de rejoindre un hôpital français. Il va de mieux en mieux, sa mémoire revient. 


Examens sur examens, on attend les résultats. Tout est une question de temps !


Mes projets ? Je vais rester près de mes parents quelques temps avant de prendre mon envol vers d'autres horizons.


Mon père va devoir se reposer. 


Ma mère va devoir multiplier ses forces pour faire face à ce nouveau futur.


Comme quoi, la vie peut basculer en une seconde : parfois dans le meilleur, parfois dans le pire.

Et encore, on s'en sort bien.


Sophie, Anne-Sophie, Georges, Laurence, Viviane, Pierre, Élodie, la compagnie créole, Hervé : êtes-vous réels ? 


Vous avez su enlever la boule qui s'était installée dans mon ventre, grâce à vous je regarde les choses autour de moi et je les appréhende d'une autre manière. 


Je devais sûrement vivre cette mésaventure pour vivre cette aventure et en tirer cette superbe leçon de vie. 


"La vie c'est comme un piano, il y a le blanc, il y a le noir et il faut savoir jouer des deux pour avoir une belle mélodie."


Merci à ceux qui ont pris des nouvelles et qui ont pensé fort à nous.

Merci à ceux qui m'ont lu jusqu'au bout. 

Merci !